Post Scriptum à Monsieur Eddy Mitchell

Cher Eddy Mitchell,

suite à la lettre ouverte que je vous ai envoyée le 2 janvier passé, j'ai reçu un abondant courrier, dont un bon nombre de messages provenant d'artistes, compositeurs, interprètes, et de leurs associations; cela m'a permis de vérifier par moi même le fait que beaucoup de vos collègues sont contraires à la criminalisation de nos concitoyens, et favorables à de solutions comme la licence globale.

Si je vous écris à nouveau aujourd'hui, c'est parce-que un de ces messages m'a fourni des documents qui montrent clairement comment, en soutenant le projet DADVSI originaire avec sa criminalisation des internautes et le refus de la licence globale, non seulement vous renoncez à des gains conséquents, dont je vous ai déjà parlé en détail, mais vous courez à une véritable catastrophe financière.

Je promet d'être bref, et concret, cette fois aussi.

Chronique d'un désastre annoncé

Je n'ai malheureusement pas obtenu le droit de publier ces documents, mais ce qui en ressort est désormais résumé dans la presse grand public, par exemple, tout au fond de cet article contraire à la licence globale, repris aussi sur des blogs.

Voilà la mauvaise nouvelle. Contrairement à ce que laisserait croire le charabia juridique qui étoffe les contrat que vous et vos collègues avez signé avec vos maison de disque, la vente en ligne à l'unité de votre musique est une très mauvaise affaire pour vous: sur le 99 centimes d'euro, qui est le prix de vente fixé par toutes les plateformes de téléchargement commercial, la part des auteurs n'est que de 3 centimes, le 96 restants se partageant entre les autres intervenants, qui n'ont aucune justification pour ce véritable vol caractérisé sur le dos de vos créations.!

Vous avez bien lu: grâce aux nouvelles technologies à la sauce DRM (qui coûtent 1 centime par titre) que le lobby des majors vous demande de soutenir, pour que vous touchiez un euro, je serais désormais obligé, avec mes amis musicophiles, à en dépenser en ligne plus de 33, alors que il "suffisait" de 6 quand on se limitait à acheter des CDs.

Autrement dit, pour vous assurer les mêmes revenus qu'avant, il sous faudra débourser 5 (cinq) fois plus. Malheureusement, notre salaire n'ayant guère de chance de se multiplier par 5, cela veut dire que ce sont vos revenus qui seront divisées par 5.

Cela prendra probablement quelques années: au début, le marché de la musique sur Internet restera limité (on évoque 8% du marché global, aujourd'hui), mais il ira en grandissant... vous verrez vos revenus fondre sous vos yeux, vous irez protester auprès de vos maisons de disques, elles vous répondront que c'est toujours la faute au téléchargement non commercial, vous soutiendrez alors d'autres campagnes à faveur du téléchargement commercial. Cela fera grandir un peu plus la part du marché Internet et fondre d'autant vos revenus.

Cher Monsieur Mitchell, je ne peux pas permettre que cela vous arrive, et il est donc de mon devoir tout d'abord de vous prévenir, ce que je viens de faire, mais aussi de vous proposer une solution.

Toute la musique que j'aime pour moins d'un café par mois

Des nombreux artistes soutiennent la licence globale: dans ma lettre du 2 janvier je vous avais déjà montré comment une redevance de 4 euros par mois sur l'abonnement pourrait plus que remplacer vos revenus actuels, même si les CDs et DVDs disparaissaient comme par magie le jour après la promulgation de la loi amendée en ce sens.

Cependant, une fois découvert que vous acceptez sans broncher que les plateformes de vente commerciale en ligne divisent par 5 vos revenus, et que vous voulez peser de toute votre force médiatique sur la balance républicaine pour appuyer les DRM, j'ai été obligé de reprendre ma calculette et de vérifier combien cela nous coûterait vraiment de vous faire une offre un peu meilleure que celle des majors.

En effet, la finalité de la licence globale est de "compenser" les pertes des créateurs, pas de garantir des rentes injustifiables aux intermédiaires.

Voilà les résultats: avec une répartition comme la redevance sur la copie privée, vu le 3% qui tombe dans l'escarcelle des créateurs, pour obtenir un revenu équivalent via la licence globale, il suffit, avec 9 millions d'abonnements à Internet, de :

  • 7 centimes par mois avec une part internet du marché musical de 8%,
  • 44 centimes par mois avec une part internet du marché musical de 50%,
  • 85 centimes par mois avec une part internet du marché musical de 100%.

Autrement dit, nos concitoyens peuvent avoir toute la musique qu'ils aiment pour moins d'un café par mois, sans vous priver d'un seul centime.

Je doute de trouver un seul Français qui refuserait de payer ''sept centimes par mois'' en 2006 (moins d'un café par an!), et un peu plus chaque année (le montant de la redevance étant réévalué par un collège chaque année), mais sans dépasser en aucun cas 85 centimes. À ce prix là, je crois qu'on pourrait bien même rendre la redevance obligatoire.

Mais attendez, je vous ai dit que nous allons vous faire une proposition meilleure de celle des majors, et jusque là je ne vous ai donné qu'une proposition équivalente.

Or, il y a deux considérations importantes:

  • le nombre d'abonnement internet croît rapidement, et donc en quelques années on vous donnera nettement plus que les major
  • l'argent que vous touchez de votre public n'est pas réduit à néant par les intermédiaires: ce qui me reste après le café par mois je pourrais l'utiliser pour acheter un CD ou DVD collector, ou, encore mieux, venir à vos spectacles, alors qu'avec les titres à 99 centimes à l'unité, il ne me restera rien (si je veux remplir le nouvel iPod avec 60Go de disques, il me faudraient 15000 euros, je doute de povoir venir vous applaudir après)

Le temps d'agir

J'espère vous avoir convaincu qu'il est urgent de vous raissaisir et de courir soutenir l'action de ces députés que vous avez maladroitement conspué en décembre: je suis certain qu'il ne vous tiendront pas rigueur de vos propos hâtifs, et qu'il sauront vous accueillir avec bienveillance.