Enseigner l'Informatique à l'école: un enjeux majeur, ne tardons plus!

L'Informatique souffre d'une certaine incompréhension de la part de la plupart des publics, et il vaut la peine d'y passer quelque temps pour mieux planifier une sortie par le haut:

  • le grand public confond en general Informatique avec informatique (disons, Algorithmica avec SVM, pour faire simple): apres tout, avec la masse de personnes qui savent faire clic sur une souris, ou créer un site web en PHP, trouvent chaque mois en kiosque des dizaines de magasin vantant la dernière innovation/révolution informatique, et sans aucune formation de base à la discipline, on ne doit pas s'étonner si le modèle mental dominant ne place pas l'Informatique parmi les "sciences" dignes de ce nom;
  • les institutions mêmes dont le rôle devrait être de promouvoir cette science plus tellement jeune qu'est l'Informatique, se montrent incapables d'en apprecier la nature (toujours un problème de modèle mental): la prise de position unanime du CS du CNRS sur la création d'un institut d'Informatique au CNRS est une preuve claire, si besoin en était, du retard abyssale qu'on a dans la prise de conscience des enjeux (voir ma prise de position ici);
  • le pouvoir politique, tout en voulant bien faire, a contribué à la confusion, avec les initiatives comme le B2I ou le C2I, dont le nom très mal choisi entretient l'idée selon laquelle "Informatique" c'est savoir faire clic, utiliser un tableur, un traitement de texte et installer un antivirus; j'aimerais bien savoir quelle réaction auraient nos collègues mathématiciens devant la mise en place d'un BMC (Brevet de Mathématique et Calcul) ou l'on apprend à utiliser des caisses enregistreuses et des calculettes scientifiques.

Du besoin géneralisé de FORMATION en Informatique

Le moyen à long terme le plus efficace pour changer les choses est la mise en place d'une stratégie qui aide l'ensemble de la population à se constituer un modèle mental correcte de ce qu'est l'Informatique: il faut, pour y parvenir, introduire l'Informatique dans l'enseignement primaire et secondaire, et revaloriser l'enseignement de l'Informatique dans le supérieur.

Cela permettra d'avoir a terme des politiques (à tous les niveaux) mieux (in)formes, plus de vocations vers les métiers de l'Informatique, une meilleure formation à l'Informatique parmi les étudiants d'autres disciplines, et plus stratégiquement, une population mieux preparée pour la société de la connaissance qui se construit en ce moment, et qui exige des capacités de traitement et analyse conceptuelle de l'Information qui ne se font pas sans une bonne familiarité avec ce que l'on appelle, dans certains cercles, le ''Computational Thinking''. Cette dernière est sans doute la raison la plus profonde pour introduire rapidement de l'Informatique dans les programmes, et un tout recent rapport aux UK fait une analyse qui va dans le même sens.

Problemes pratiques de mise en oeuvre

Quelques problèmes, cependant, et pas des moindres, sont à résoudre, qui sont rendus plus difficiles parce-que la discipline Informatique est encore relativement jeune:

  • déterminer des programmes cohérents, et représentatifs
  • former les maîtres
  • généraliser les cours d'Informatique pour les autres discipline (un cours d'Analyse est fait par un mathématicien, un cours d'Algorithmique ou Programmation doit être fait par un informaticien)

Pour tout cela, il faut des moyens, et les 3.500 enseignants-chercheurs de la 27ème section (ou un peu plus si on élargit au sections voisines) sont loin d'être suffisants pour assumer la formation des maîtres en Informatique, la formation des étudiants universitaires non informaticiens à l'Informatique et répondre aux besoins de l'interdisciplinarité. Sans compter qu'en Informatique, certains cours sont obligés de suivre une évolution de l'état de l'art technologique qui est très chronophage, et pas prise en compte dans la charge des enseignants-chercherus.

Je ne sais pas chiffrer les besoins scientifiquement, je peux juste dire que j'ai entendu mentionner une fois dans une réunion qu'on devrait au minimum doubler le nombre d'enseignants-chercheurs en Informatique d'ici cinq ans pour relever ces défis: mais un enseignant chercheur ne se fabrique pas en un coup de baguette magique, il faut un véritable effort national si on veut y arriver, et les opérations à budget constant qu'on voit mettre en oeuvre pour l'instant ne correspondent pas aux enjeux.

L'Informatique sans ordinateur...

En attendant de voir si la prise de conscience politique réussira à dépasser la complexité du problème, on peut se dire qu'on n'est jamais mieux servis que par soi même, et il vaudrait mieux commencer par quelques actes simples et efficaces...

Pour le programme d'Informatique dans le primaire et le secondaire, par exemple, un de mes collègues italiens qui en a coordonné la traduction en italien, m'a fait connaître le travail remarquable fait par nos collègues Australiens et Neo-Zelandais autour de "Computer Science Unplugged", que l'on peut télécharger sous licence Creative Commons (attrib-no derivs-non commercial).

C'est assez étonnant, mais une traduction française n'existe pas encore, et il serait urgent de la faire réaliser (ou d'organiser une communauté qui s'en charge), et de mettre ce travail dans les mains des enseignants du primaire et secondaire au plus vite: c'est un excellent outil, ludique, pour développer les compétences de base, et il montre très bien que, si on peut passer son temps à faire clic sur des pages web sans faire un epsilon d'Informatique, on peut aussi faire beaucoup d'Informatique sans même toucher un ordinateur.

Comments

1. On Thursday, April 9 2009, 15:44 by Roberto Di Cosmo

Je viens de découvrir que la traduction de Computer Science Unplugged était en cours, et presque finalisée. Les volontaires pour la relecture devraient contacter rapidement François Rechenmann.

They posted on the same topic

1. On Monday, June 15 2009, 15:15 by My Opinions

Protégeons nos droits numériques

L'irrationel au pouvoir Tout ceci est certe important: on peut par exemple chercher à comprendre pourquoi un gouvernement de droite, censé encenser le marché, décide d'écouter le lobby des maisons de disques plutôt que de veiller au...